RÉSEAU INNOVANT D'ACCOMPAGNEMENT ET DE PRÉVENTION DU SURENDETTEMENT

JERUSALEM POST

 

Enfin des remèdes au surendettement ?

La Banque d'Israël tire la sonnette d'alarme : elle appelle à la responsabilisation des banques et au changement des mentalités.


 

Il semblerait que la situation soit amenée à évoluer du côté des banques tout d'abord. Ces dernières se verront bientôt contraintes de publier un rapport trisannuel sur l'état des crédits en cours, et le risque existant chez les emprunteurs, en les regroupant selon leurs revenus, leurs actifs financiers, l'état de leurs crédits ou leurs arriérés bancaires... Cela afin de permettre à la Banque d'Israël de déterminer le niveau d'exposition des établissements financiers. Des mesures urgentes car la situation a largement empiré ces dernières années. Ainsi, le fait d'être dans le rouge constitue malheureusement la normalité pour bien des entreprises et des ménages israéliens ; un véritable mode de vie, qui permet à beaucoup de boucler les fins de mois difficiles.


Des pratiques bancaires inacceptables


 

Désormais, les banques vont donc devoir faire preuve de plus de transparence, mais aussi de plus de bon sens. Afin de permettre à leurs débiteurs de s'acquitter de leurs remboursements, non seulement elles doivent impérativement baisser les taux d'intérêt exorbitants qu'elles pratiquent, mais aussi établir des plans de crédits rationnels, en fonction des possibilités de l'emprunteur. Sans cela, autant jouer à un jeu dépourvu de règles...

La révolution annoncée aura-t-elle vraiment lieu ? Les avis sont partagés. Il faut dire que les nouvelles mesures de régulation bancaire, qui entreront en vigueur l'année prochaine, interviennent une décennie après la décision d'instaurer des pénalités à l'égard des « serials emprunteurs », qui se seraient écartés du droit chemin fixé par la réglementation de leurs crédits. Une résolution restée depuis à l'état de voeu pieu : dans la réalité, créanciers et débiteurs ont joyeusement poursuivi la noce et ignoré les garde-fous mis en place, les uns continuant à s'enrichir avec les intérêts des prêts consentis, les autres se satisfaisant de vivre mieux grâce à cette aide financière éphémère. Un système complètement débridé au sein duquel même l'emprunteur récidiviste, dont les remboursements excèdent largement les revenus, et qui peine à rembourser ses dettes, trouve toujours un banquier complaisant pour lui ouvrir une nouvelle ligne de crédit censée le « soulager ». Les plus lucides n'hésitent donc pas à accuser de tels établissements financiers de se conduire à l'image de celui qui tendrait une bouteille de vin à un alcoolique... La comparaison est éloquente. Et pour cause. Car cette spirale est malheureusement très courante : une grande majorité des Israéliens se sont habitués à vivre à crédit, non pas en raison du poids de leurs frais quotidiens, mais bien souvent, en regard des prêts souscrits pour payer des voitures hors de prix, des cérémonies tape-à-l'oeil ou des voyages à l'étranger. Dans ce contexte, les récentes déclarations de la Banque d'Israël semblent marquer une véritable prise de conscience : on réalise enfin, comme on l'a vu en Grèce, que le problème du surendettement des ménages fragilise l'économie tout entière d'un pays.


Une sévère répression


 

Il est donc plus que jamais nécessaire d'agir pour mettre un terme au jeu pervers des établissements financiers, qui, après avoir poussé les gens à emprunter pour augmenter leurs bénéfices, obligent les débiteurs à rembourser, en usant de tous les moyens de pression possibles et imaginables prévus par la loi de 1980. Rappelons ici les différentes étapes de la procédure de répression appliquée par le syndic officiel des faillites. Il y a tout d'abord la demande de liquidation déposée au tribunal, suivie éventuellement par la nomination d'un syndic. Dans ce cas, tous les biens du débiteur passent sous l'autorité de ce syndic, qui recherche tout d'abord à promouvoir un accord ou une médiation entre le débiteur et ses créanciers.

A partir de l'entrée en vigueur de l'ordre de liquidation, le débiteur n'a plus le droit de quitter le territoire national. Il s'agit d'une assignation à résidence pour non-paiement de dettes. Prenons l'hypothèse d'un Français qui fait son aliya tout en ayant encore de la famille en France, et qui tombe sous le coup de cette procédure : il se verra dès lors empêché par exemple d'assister aux fêtes familiales. A titre de comparaison, dans l'Hexagone, sauf dans des cas graves de dettes en matière fiscale et douanière, une telle procédure ne s'apparenterait ni plus ni moins qu'à une atteinte aux droits de l'individu garantis par la Constitution.

Le but est d'obtenir un acte de liquidation (Tsav Hefter) ou quitus. En règle générale, il faut compter au moins quatre ans pour clore un dossier. A noter que dans le cas où un arrangement avec les créanciers s'avère possible avant l'ouverture de la procédure de liquidation, le document doit être signé par au moins 50 % des créanciers, et concerner au moins 75 % du montant de la dette. Par ailleurs, tout au long de la procédure et du règlement, les intérêts prévus au contrat sont maintenus et s'ajoutent au capital, ce qui rend la charge finale impossible à supporter. En droit français, on peut demander la réduction, voire dans certains cas, l'annulation ou la réduction des intérêts. Prenons l'exemple récent de la Grèce : la très grande majorité des économistes ont insisté sur la nécessité d'annuler une partie de la dette pour rendre celle-ci supportable. Car il ne s'agit pas d'enlever au peuple grec tout espoir et toute dignité, mais au contraire de resolvabiliser le pays endetté. Et c'est exactement le raisonnement que tiennent aujourd'hui les banques françaises en matière de surendettement.


Des solutions concrètes


 

Pour ce qui est du nécessaire changement des mentalités, ce qui se fait en France peut également servir d'exemple. Ainsi, l'aide aux personnes en situation de surendettement est quasiment institutionnalisée à travers l'association CRESUS, qui mise sur un double dispositif : l'accompagnement personnalisé des personnes en difficulté financière, et la responsabilisation des 25 établissements financiers dont elle est partenaire.

Des centaines de bénévoles, parmi lesquels des avocats à la retraite, des cadres bancaires et d'anciens experts-comptables s'y consacrent. Tout cela est organisé en partie grâce à des cotisations privées, mais surtout grâce au soutien des banques françaises qui ont compris qu'elles avaient tout intérêt à rendre de nouveau solvables des gens qui ne l'étaient plus.

Les établissements bancaires ont fini par admettre que le fait d'augmenter l'appel vis-à-vis de débiteurs déjà fortement endettés se révélait finalement un mauvais calcul. Une volte-face qui n'a fait qu'améliorer leur image publique.

En attendant de voir un tel dispositif mis en place en Israël, l'Etat juif peut s'appuyer sur un atout majeur : l'entraide sociale solidement ancrée dans les mentalités et particulièrement développée dans certains milieux.

Citons par exemple l'action des associations Messila et Paamonim dont les bénévoles, formés de manière continue, accompagnent les familles endettées en faisant l'état de leur patrimoine et en leur suggérant des solutions. Messila est ainsi particulièrement sollicitée par des rabbins et de très nombreux gmahim. Tout cela mériterait cependant d'être institutionnalisé, alors qu'à ce jour ces associations fonctionnent sans aucun soutien financier, ni de l'Etat, ni des banques. Tout semble donc indiquer qu'il y a lieu de se montrer optimiste. Car même si la route est encore longue, le chemin vers un traitement plus humain de la situation des personnes endettées en Israël se dessine peu à peu.

 

Avec le concours de Maître Johan Habib.

Maître Roland Tendler est docteur en droit, ancien maître de conférences des facultés de droit, avocat honoraire au barreau de Strasbourg.